Tamir Pardo : menace intérieure et appel à une solution politique pour Israël
Tamir Pardo ouvre le débat sur la sécurité intérieure et la gouvernance en Israël
Ancien directeur du Mossad, Tamir Pardo a passé plus de quarante ans au cœur du renseignement israélien. Nommé à la tête du Mossad en 2011 par Benjamin Netanyahu, il a dirigé le service jusqu’en 2016. Aujourd’hui retraité, il est devenu l’un des critiques les plus virulents du Premier ministre.
Selon lui, la guerre contre Gaza perd son sens humain et financier : une perte de temps, de vies, d’argent et d’avenir. « Nous avons été surpris à cause des nombreuses erreurs que nous avons commises. Nous en avons payé le prix. Et le moment où nous avons compris quel était ce prix, nous avons compris que nous devions mettre fin à la menace à Gaza », a-t-il déclaré dans l’émission Tout un monde de la RTS.
« Ils étaient prêts à se battre »
L’ancien patron du Mossad plaide en faveur d’un accord global, même sous pression extérieure. « J’espère donc que Trump sera maintenant le leader. Il a proposé la solution et il devra la vérifier avec les deux parties. (…) Et Trump n’y parviendra qu’avec le marteau dans une main, avec son poing sur la table, pour s’assurer que les deux parties parviendront à un accord et mettront fin à ce désastre. »
« On ne peut pas payer un groupe terroriste en espérant qu’il change de nature: cela n’arrivera jamais », résume-t-il, rappelant que Gaza a été, selon lui, un piège « très réussi de leur point de vue ».
Une solution politique indispensable
Interrogé sur le fiasco sécuritaire du 7 octobre, l’ancien directeur du Mossad déplore des approches qui n’aboutissent pas à une paix durable. « On ne peut pas payer le chef du Hamas, on ne peut pas payer un groupe terroriste en espérant qu’il change de nature: cela n’arrivera jamais. » Il affirme qu’une solution politique est nécessaire et critique l’idée que le gouvernement et l’armée puissent dissuader les terroristes sans rupture stratégique.
Entre la Méditerranée et la vallée du Jourdain, 15 millions de personnes vivent aujourd’hui, dont 55 % de Juifs et 45 % de non-Juifs. « Quelle est la solution pour ce morceau de terre ? Il faut une solution politique », affirme-t-il. Si la guerre demeure la seule issue, il prévoit davantage de souffrance des deux côtés.
Fractures internes et appel à un nouveau leadership
En septembre 2023, Pardo avait provoqué une polémique en qualifiant la situation en Cisjordanie d’« apartheid ». Deux ans plus tard, il réaffirme ces propos et insiste : « Tant qu’ils n’auront pas les mêmes droits que leurs voisins, ils protesteront. Par des moyens pacifiques, ou malheureusement par les armes. S’ils obtiennent les mêmes droits que les Juifs, alors Israël ne sera plus un État juif. S’ils ne les obtiennent pas, il y aura du sang. »
À l’échelle nationale, l’ancien espion parle d’une société « totalement déchirée » et appelle à un leadership différent le plus tôt possible. « Nous avons besoin d’un autre leadership, et le plus tôt sera le mieux », affirme-t-il, plaidant pour une démarche qui unit les différentes sensibilités de la population.
Un avertissement sur le péril intérieur
Pour Pardo, le danger le plus grave ne vient pas des frontières mais de l’intérieur. « Je n’ai peur de personne : ni de l’Iran, ni du Hezbollah qui n’existe plus, ni du Hamas. Dans une région comme la nôtre, quand la société est déchirée, c’est un danger bien plus grand que tous les autres. » Il conclut en appelant à un sursaut collectif et à un changement de cap politique interne.
Propos recueillis par Benjamin Luis/hkr
