Réconstruction de la Syrie : un défi colossal après plus d’une décennie de conflit
Contexte et besoins estimés
Après la chute de Bachar el-Assad en décembre 2024, la reconstruction de la Syrie demeure lente et complexe à mettre en œuvre. Les évaluations faites pendant le conflit évoquaient un besoin estimé à près de 400 milliards de dollars pour rebâtir le pays.
Réalités locales et dynamiques de terrain
Sur le terrain, les initiatives se limitent pour l’instant à des projets privés. Selon la journaliste franco-syrienne Hala Kodmani, \”Certains ont investi pour reconstruire leur usine ou leur maison, mais cela reste très limité. À Alep, toute la vieille ville est encore à terre. C’est un champ de ruines.\”
Fabrice Balanche, maître de Conférence à Lyon 2 et expert de la Syrie, rappelle que la reconstruction, initiée sous Assad, provient surtout des habitants et non des autorités. \”Dans le quartier de Baba Amr à Homs, réduit à l’état de ruines par le pouvoir en 2012, on a autorisé les gens à revenir déjà à l’époque de l’ancien régime et il y a eu une reconstruction artisanale du quartier. En revanche, le quartier Nord, où les destructions ont été énormes, est encore figé dans l’attente d’un projet immobilier de grande ampleur.\” Ni l’ancien régime ni le gouvernement actuel ne l’ont mené à bien.\”
Priorités d’infrastructures et ressources
Pour le chercheur, la priorité est d’investir dans les infrastructures vitales: réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement. \”Mais la Syrie n’a pas les moyens,\” résume-t-il. Parallèlement, les investisseurs des pays du Golfe privilégient des projets touristiques ou de luxe, sans impact direct sur le quotidien des habitants, déplore-t-il.
Quant à l’eau, l’analyse de Fabrice Balanche est claire: \”À sa sortie de la station, l’eau est potable. Mais comme les réseaux d’eau et d’égouts ne sont pas fonctionnels, tout se mélange et l’eau est polluée quand elle arrive chez les gens.\”
Rôle des ONG et limites de l’aide
Les ONG occidentales ne peuvent pas remplacer l’État. Si certaines réhabilitent des écoles ou des stations d’eau, leurs moyens restent limités et les résultats ne sont pas systématiques. Fabrice Balanche cite Solidarités International, qui s’occupe de stations d’eau: \”À sa sortie de la station, l’eau est potable. Mais comme les réseaux d’eau et d’égouts ne sont pas fonctionnels, tout se mélange et l’eau est polluée quand elle arrive chez les gens.\”
Limites et transparence de l’aide
L’intervention des ONG ne peut compenser les lacunes de l’État, et l’accès à une transparence fiable soulève encore des questions parmi les habitants et les observateurs.
Impact des sanctions et dynamique des investissements
La levée des sanctions occidentales est présentée comme un élément clé de la reconstruction, mais le processus demeure lent, notamment aux États‑Unis. \”L’annulation des sanctions doit encore être votée par la Chambre des représentants, avant une signature du président,\” explique Fabrice Balanche. Elle ne devrait pas devenir effective avant le début de 2026, ce qui limite les transferts financiers et décourage les investissements étrangers pour le moment.
Instabilité politique et enjeux régionaux
L’instabilité politique persiste, avec des violences intercommunautaires qui se sont multiplées et une autorité du nouveau gouvernement encore partielle. Certaines zones restent sous le contrôle de forces de sécurité pas forcément liées au pouvoir central: des régions sont gérées par des forces kurdes, d’autres restent sous l’influence de groupes liés à la Turquie. La question du contrôle effectif des forces de sécurité par le gouvernement demeure.
Comme l’explique Emanuel Schäublin, chercheur au Centre d’étude pour la sécurité de l’EPFZ: \”Des régions restent gouvernées par des forces de sécurité pas forcément liées au nouveau gouvernement. Certaines zones sont gérées par les forces kurdes, tandis que d’autres restent sous le contrôle de forces liées à la Turquie. Et se pose aussi la question de savoir si le gouvernement contrôle vraiment ses propres forces de sécurité.\”
Rôle de la Russie et liens régionaux
La Russie demeure un partenaire clé, comme en témoigne la visite du président syrien à Moscou le 15 octobre. \”L’essentiel des équipements de l’armée syrienne vient de Russie. Ce serait très compliqué de tout convertir pour se fournir en équipements occidentaux\”, note Hala Kodmani.
Condition de la population et perceptions
Une grande partie de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté et dépend fortement des transferts d’argent envoyés par des proches résidents à l’étranger. Beaucoup craignent que la reconstruction profite surtout à des cercles proches du pouvoir et certains remettent en question la transparence du processus.
Conclusion et enjeux à venir
En résumé, la reconstruction syrienne demeure tributaire de facteurs économiques et géopolitiques. Le calendrier des sanctions, la stabilité politique et l’attitude des investisseurs internationaux restent des variables déterminantes pour l’avenir du pays.
