Les carnets de Joseph Weitz dévoilés : enquête documentaire sur un pionnier sioniste et les origines du conflit israélo-palestinien

Découverte des journaux intimes et cadre historique

Le documentaire suit Michal Weits, réalisatrice du film Blue Box et arrière-petite-fille de Joseph Weitz. En examinant près de 5 000 pages de journaux écrits entre 1932 et 1970, elle révèle le rôle qu’a joué Weitz dans l’expulsion des Palestiniens lors de la création de l’État hébreu. Le film donne accès aux pensées et aux tourments de Joseph Weitz, qui n’élude pas ses doutes, sa culpabilité et sa perception de priver un peuple de sa terre, jusqu’à sa propre adaptation à cette réalité.

Extraits des journaux intimes de Joseph Weitz, rédigés entre 1932 et 1970, accompagnent les entretiens et les analyses du film.

Racines personnelles et cadre idéologique

Dans l’entretien, Michal Weits explique pourquoi elle a choisi de partager ces écrits personnels. Elle rappelle que, dans l’histoire collective d’Israël, le récit dominant met souvent en avant les pionniers sionistes qui redonnaient vie à une terre considérée comme vide et aride. Une expression fréquemment citée est celle d’une « terre sans peuple pour un peuple sans terre ».

En lisant les journaux de son arrière-grand-père, elle découvre une réalité différente : une terre vivante, habitée et cultivée, étroitement liée à ceux qui y vivent. Cette prise de conscience remet en question le récit mythique qu’elle avait reçu et l’a poussée à déployer des années de recherche pour comprendre le décalage entre ce mythe et la réalité historique.

Elle affirme que le mythe de « faire fleurir le désert » a contribué à forger une narration héroïque, presque biblique, qui ne laisse place au doute. Le cinéma documentaire, précise-t-elle, prospère précisément dans ces espaces de doute et s’adresse en premier lieu aux Israéliens afin de leur permettre d’aborder le conflit avec davantage de connaissance et de conscience.

Des choix difficiles et le poids de la mémoire

Le documentaire ne fait pas l’économie des tensions familiales. La génération plus âgée de la famille Weitz n’a pas accueilli favorablement le projet, et son père est apparu en colère au cours d’une interview. Après le montage avancé, il a même révélé son malaise dans la salle de montage, s’isolant ensuite dans sa voiture. Peu à peu, toutefois, il est venu vers Michal Weits et l’a prise dans ses bras, reconnaissant la profondeur de son travail et la sensibilité avec laquelle il a été abordé. D’autres membres de la famille ont aussi fini par soutenir le projet, certains acceptant, malgré les difficultés, que les conversations sur le passé fassent partie de la vie familiale.

Extraits marquants des journaux

« Grâce à leur travail, les Arabes font revivre les montagnes et plantent les vergers florissants du pays. Et je les envie. Je les envie tellement que ça fait mal. »

Réception et réception en Israël

Le film a été très bien accueilli en Israël et a reçu plusieurs prix. S’il a trouvé un écho particularisé auprès d’un public de gauche, il a également retenu l’attention d’audiences venues d’autres horizons politiques. Les projections ont donné lieu à des débats animés et, pour la plupart, significatifs, et le contenu, fondé sur les écrits de Joseph Weitz lui-même, est perçu comme une source de témoignage direct plutôt qu’une interprétation.

Cet engagement a également touché des citoyens palestiniens d’Israël qui ont vu le film. Pour certains, il a représenté un geste modeste mais important de reconnaissance et a ouvert la porte à des réflexions nouvelles sur le paysage politique et historique israélien. L’auteure évoque l’espoir qui peut naître lorsque des voix jusqu’alors peu audibles peuvent être entendues.

Contexte démocratique et regards critiques

Michal Weits exprime des réserves sur la définition usuelle de l’État d’Israël comme démocratie. Selon elle, un pays qui occupe des territoires et détermine les droits des populations qu’il contrôle ne peut prétendre à une démocratie au sens strict. Elle observe que les institutions démocratiques existent en théorie, mais qu’elles peuvent être fragilisées lorsque des fidèles occupent des postes clés et servent des intérêts spécifiques. Les protestations et les voix dissidentes existent, mais leur visibilité semble se réduire et engendrer une atmosphère pesante et anxiogène.

Après le 7 octobre, la perception publique du film a évolué : le silence initial autour du point de vue palestinien a laissé place à un regain d’intérêt. L’auteure affirme que la connaissance du passé est essentielle pour envisager une voie de paix et que comprendre les racines du conflit est une étape nécessaire pour sortir de cycles de violence et de cruauté. La reconnaissance historique est présentée comme une condition préalable à toute avancée.

Propos recueillis par Muriel Reichenbach pour RTS Documentaires. Le documentaire Blue Box est annoncé disponible jusqu’au 2 janvier 2026 et demeure un élément central du débat sur l’histoire et les perspectives de résolution du conflit.

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