Don Quichotte de Massenet à l’Opéra de Lausanne : une vision sublime du chevalier fou

Don Quichotte, une œuvre majeure de Massenet à Lausanne

Pour lancer la saison 2025-2026 de l’Opéra de Lausanne, Claude Cortese renouvelle sa confiance en Bruno Ravella pour la mise en scène, après Guillaume Tell de Rossini présenté lors de la précédente saison. Cette année, la maison propose une œuvre moins souvent montée du répertoire: Don Quichotte, opéra en cinq actes de Jules Massenet.

Créée en 1910 à Monte-Carlo, cette comédie héroïque s’inspire d’une pièce de théâtre elle-même adaptée du célèbre roman de Cervantès. Parmi les épisodes marquants figure l’amour de Don Quichotte pour Dulcinée, la poursuite des brigands pour récupérer un collier volé, le combat contre des moulins à vent et la mort du chevalier, entouré de son fidèle Sancho Pança.

Sur scène, Nicolas Courjal incarne Don Quichotte et Marc Barrard interprète Sancho Pança, formant un duo central à la distribution lausannoise.

Une mise en scène cohérente et élégante

Dès le lever du rideau, Don Quichotte et Sancho Pança apparaissent sur un plateau incliné; le premier semble d’abord perdu avant de se dévêtir progressivement, ne conservant que des sous-vêtements et un gilet qui peut rappeler une camisole de force. Cette tenue, qui deviendra quasi continue, symbolise l’aliénation et la folie du personnage, au cœur du livret d’Henri Cain.

Dans sa note d’intention, le metteur en scène Bruno Ravella s’appuie sur une phrase de Dulcinée du quatrième acte: « Oui, peut-être est-il fou… mais c’est un fou sublime ». Cette approche permet d’explorer l’univers intérieur du Don Quichotte, homme-protagonne et chevalier errant à la perception troublée.

La scénographie signée Leslie Travers est riche d’idées et de détails ingénieux, permettant à ce monde intérieur, fait de poésie et de rêves, de se déployer sur scène avec une grande élégance.

Une scénographie lumineuse

La mise en scène s’appuie sur une voûte lumineuse composée de centaines d’ampoules. Selon les coloris, elle peut évoquer un cabaret scintillant ou une nuit étoilée, soutenant les passages entre l’illusion et la réalité.

Un plateau vocal de premier plan

En plus d’une dimension visuelle soignée, ce Don Quichotte propose une distribution vocale solide. Le Chœur de l’Opéra de Lausanne et l’Orchestre de Chambre de Lausanne livrent une prestation convaincante sous la direction précise et expressive de Laurent Campellone.

Les solistes français Nicolas Courjal et Marc Barrard tiennent les rôles-titres; ils avaient déjà chanté ce tandem lors d’une production marseillaise en 2024 et se retrouvent à Lausanne avec une complicité marquée. Courjal, par son timbre puissant et son jeu scénique, façonne un Don Quichotte à la fois hagard et plein d’énergie pour poursuivre sa quête et défendre ses idéaux. Barrard, baryton plus sombre, apporte à Sancho Pança chaleur, émotion et une note d’humour bienvenue.

La mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac interprète Dulcinée avec une présence charismatique et un sens du jeu acéré, faisant ressortir que Dulcinée n’est pas seulement une séductrice mais aussi un personnage complexe. Grâce à une direction d’acteurs soignée, les trois protagonistes restent mesurés sur le plan vocal et scénique.

Cette reprise de Lausanne, près d’un an et demi après Cendrillon, confirme que la musique de Massenet demeure émouvante, raffinée et accessible. La première a été largement applaudie.

Note: 5/5

Production: Don Quichotte, opéra en cinq actes de Jules Massenet, mise en scène Bruno Ravella, avec Nicolas Courjal, Marc Barrard, Stéphanie d’Oustrac, le Chœur de l’Opéra de Lausanne et l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de Laurent Campellone. Dates à venir: 7, 10 et 12 octobre 2025. Une diffusion est prévue sur RTS Espace 2 le samedi 8 novembre 2025 à 19h30 dans le cadre de l’émission A l’opéra.

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