Le stéréotype ‘Karen’ : une illustration des dynamiques sociales et genrées aux États-Unis

Lors d’un match de baseball des Phillies de Philadelphie vendredi dernier, une scène a rapidement attiré l’attention sur les réseaux sociaux. Un père de famille attrape une balle tombée dans le public pour la donner à son fils, lorsque soudain une spectatrice s’interpose et s’empare de l’objet. Cette confrontation, filmée et largement partagée, a vu l’inconnue être rapidement surnommée “Phillies Karen” en ligne.

Origines et usages du terme “Karen” aux États-Unis

Aux États-Unis, l’expression “I want to speak to your manager, now!” est devenue emblématique pour décrire des situations conflictuelles, notamment entre clients et employés. Ce cliché a contribué à la popularisation du terme “Karen”, apparu dans les années 2010, qui désigne un stéréotype de femmes blanches généralement d’âge moyen, qualifiées d’exigeantes ou d’intrusives.

Ce terme caricatural est souvent lié à des comportements perçus comme arrogants, donnant lieu à des débats viraux sur les réseaux sociaux, comme l’illustrent plusieurs événements récents, dont celui du match de baseball à Philadelphie.

Une expression au caractère controversé

Le terme “Karen” pose toutefois un défi en matière d’interprétation, en particulier du point de vue juridique et social. En juin dernier, un tribunal britannique a estimé que cette appellation pouvait revêtir un caractère péjoratif susceptible de s’apparenter à des discriminations fondées sur le racisme, le sexisme ou l’âgisme.

Un reflet des inégalités sociales selon des experts

Au-delà de sa popularité virale, la figure de “Karen” est analysée comme un symbole des tensions sociales aux États-Unis. Boris Vejdovsky, professeur de littérature et culture américaine à l’Université de Lausanne, a expliqué dans l’émission Forum que ce stéréotype soulignait notamment les disparités économiques et raciales profondément ancrées dans la société américaine.

“Karen représente d’abord une figure illustrant les inégalités sociales et la volonté d’hégémonie d’une certaine classe,” souligne-t-il.

Selon lui, ce terme met en lumière des mécanismes où des groupes privilégiés cherchent à affirmer leur position, rendant visible une dynamique de pouvoir souvent inconsciente.

Une dynamique genrée et sociale de contrôle

Le qualificatif “Karen” désigne principalement des comportements perçus comme irrespectueux ou arrogants, mais il reste majoritairement associé aux femmes, révélant ainsi une dimension genrée. Boris Vejdovsky évoque une forme de contrôle social visant à “discipliner” les femmes en raison de stéréotypes liés à l’émotivité et au prétendu manque de maîtrise.

Il souligne également que cette construction sociale peut avoir des implications dans les choix politiques, citant notamment la répartition genrée du vote en faveur des partis conservateurs aux États-Unis.

Une expansion possible hors des États-Unis

Alors que “Karen” est un phénomène originaire des États-Unis, il pourrait s’étendre à d’autres contextes culturels, y compris en Europe et en Suisse. Selon Boris Vejdovsky, de telles figures stéréotypées issues de la culture américaine s’incorporent progressivement dans les référents culturels d’autres sociétés, souvent sans que les individus en soient pleinement conscients.

Article réalisé à partir d’entretiens et émissions de radio de Michael Peuker, Thibaut Schaller, Coraline Pauchard. Adaptation web par Miroslav Mares.